Du
fourrage au lieu de pain et de bière.
Une vache qui produit son lait uniquement à
partir d’herbe, dans le respect de l’environnement et de l’animal. – Cette
image ne correspond hélas pas à la réalité dans de nombreux cas. En Suisse,
plus de la moitié des céréales fourragères est consommée par les vaches
laitières et les génisses. L’orge, le maïs et je soja pourraient être utilisés
plus efficacement pour les humains sous forme de pain, de malt, de tofu ou de
bière et de whisky. Les bovins n’ont pas toujours mangé autant de céréales. Au
contraire: dans les années 1930, les doses de concentrés par bête étaient
fortement limitées par l’état et un rendement de plus de 20 litres par jour
était considéré comme très élevé. Mais, dans les années 1960, les éleveurs
suisses commencèrent à croiser leurs troupeaux avec les races Holstein et Brown
Swiss d’outre-Atlantique. Elles devaient améliorer la production laitière de
leurs bêtes. Elles ont tout au moins fait leurs preuves à cet égard. De
nombreuses vaches laitières suisses ont depuis atteint le niveau nord-américain
et produisent 50 kilos de lait par jour ou plus. Mais un tel rendement n’est
possible qu’avec beaucoup de céréales et de soja, c’est pourquoi l’utilisation
de concentré par vache a plus que doublé depuis 1990.
«Ça
ne peut pas continuer comme ça».
«Lorsque j’ai repris la ferme de mon père
en 1995, cette évolution était en cours. J’ai vite compris que cela ne pouvait
pas continuer comme ça», explique Hans Braun, agriculteur bio à Rothrist AG.
Hans Braun Senior, son père, était un célèbre éleveur laitier et juge lors des
expositions de bétail nationales – une fonction dotée d’un important
prestige social auprès des agriculteurs. C’est lui qui lui a transmis la
passion de l’élevage. Comme de nombreux éleveurs qui rêvent secrètement ou
ouvertement d’un premier prix lors d’une exposition importante et qui
investissent une grande énergie et de l’argent pour parvenir à cet objectif.
Mais son père revint un jour complètement abattu d’un voyage en Amérique du
Nord, racontant, soucieux, les utilisations élevées d’antibiotiques nécessaires
en raison de l’incroyable rendement laitier. L’élevage laitier suisse devait-il
s’en inspirer? Malgré d’autres succès la première année en tant que chef, Hans
Braun décida de réorganiser totalement son exploitation et l’élevage.
De
nombreux obstacles surmontés.
Au bout d’un an seulement, il convertit le
Lehenhof – le domaine sur lequel son grand-père était déjà
locataire – au bio et commença à élever des vaches qui se contentaient
d’une alimentation à l’herbe exclusive et menaient une vie longue et productive
en recourant le moins possible aux médicaments. Pour emprunter cette voie, il a
dû surmonter certains obstacles dans sa tête, puis de nombreux autres dans son
environnement. Ce qui était prévisible se produit: son père dût supporter les
railleries de ses collègues éleveurs et on conseilla à Hans Braun d’investir
son temps ailleurs lorsqu’il demanda aux principales organisations d’éleveurs
en 1997 si elles seraient prêtes à soutenir une nouvelle race. Hans Braun
recherchait une race laitière productive mais non pensée pour des rendements
record.
Une
nouvelle race de vache.
Aujourd’hui, l’agriculteur bio de 58 ans se
tient dans ses pâturages, parmi ses 54 vaches laitières. Elles sont de la race
Swiss Fleckvieh, reconnue officiellement depuis six ans. Hans Braun l’avait
créée en 1997 avec des collègues éleveurs malgré le rejet des associations.
Depuis 15 ans, Hans Braun pratique une production laitière exempte
d’antibiotiques et n’utilise pas un gramme de concentré. Les vaches broutent ce
dont elles ont besoin sur la prairie rase ou le trouvent en hiver sous forme
d’ensilage et de foin dans la mangeoire dans leur étable à stabulation libre.
Du
champ de la faim...
Hans Braun montre ses pâturages qui
s’étendent autre l’Aar et la zone industrielle de Rothrist: «On appelait jadis
cette zone Hunger-Zelg (champ de la faim).» Le bailli bernois prenait ici la
dîme la plus petite de toutes. Les sols sont rocailleux et souvent secs, c’est
pourquoi il a décidé, peu de temps après avoir repris l’exploitation en 1995,
d’arrêter de cultiver les champs et de miser uniquement sur le pâturage. «Le
bailli souhaitait lui aussi améliorer la productivité de son domaine depuis le
château d’Aarbourg. Pour ce faire, il fit construire un système d’irrigation
complexe constitué de canaux et de prés d’eau. Les investissements importants
ont toutefois conduit le bailli à la ruine financière», raconte Hans Braun. Il
eut la main plus heureuse. Son élevage laitier n’est pas extensif comme en
témoignent les nombreuses haies, vergers à haute tige idylliques et prairies
maigres éclatantes qui ponctuent les pâturages de ses vaches. Non, l’ancien
champ de la faim est aujourd’hui une exploitation à la pointe en comparaison
européenne: 12’500 kilos de lait par hectare de surface herbagère, comme
l’attestait récemment une étude internationale.
...
à l’entreprise modèle.
Ce succès est dû à un système de pâture sur
gazon court exploité de manière exemplaire et à la sélection rigoureuse des
vaches les plus résistantes et les plus productives se contentant d’herbe comme
unique alimentation. Il a pu ainsi sensiblement réduire les dépenses de santé
de son troupeau. «Au début, j’ai remplacé les antibiotiques par l’homéopathie,
à laquelle je ne recours presque plus non plus. Et ce, parce que j’élève des
animaux adaptés au lieu», explique Hans Braun fièrement. C’est également
intéressant au niveau financier. La fierté de l’éleveur émane de ce visage
tanné.
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