Pionniers du chocolat bio – Entretien avec Monica Müller, CEO de Chocolat Stella Bernrain

Une femme à la tête de l’entreprise, beaucoup de capacité d’innovation et un sens très développé pour la durabilité – voici Chocolat Stella Bernrain, une entreprise familiale indépendante, dans sa troisième génération et ouverte sur le monde. En 1991, la chocolaterie a été la première entreprise de Suisse à se lancer dans la fabrication de chocolat bio et de commerce équitable.

Du chocolat bio et de commerce équitable depuis 1991 – pourquoi Chocolat Stella Bernrain avait-elle à l’époque décidé de suivre cette voie?
Nous avons pu démarrer la production de chocolat bio et de commerce équitable grâce à des demandes de clients. Notre client Pronatec a demandé du chocolat bio et OS3, aujourd’hui Claro Fair Trade AG, recherchait du chocolat de commerce équitable. Nous en produisons pour les deux depuis 1991 et les deux font encore partie de nos clients. Au fil des ans, nous avons établi des relations avec des coopératives de producteurs de cacao et de sucre. Maintenant, nous achetons plus de 80 % de nos matières premières bio et de commerce équitable directement auprès de nos coopératives-partenaires.

Quels ont été les plus grands défis de ces 30 dernières années?
Il y a 30 ans, il n’existait pratiquement pas de cacao et de sucre bio et de commerce équitable. Et la qualité des quelques matières premières disponibles n’était pas toujours au rendez-vous. Aujourd’hui, la qualité est très bonne. L’acquisition de la matière première constituait donc un grand défi pour mon père qui a développé le cheminement vers du chocolat bio et équitable. Nous avons entre-temps acquis des partenaires de longue date dans le monde entier et réussi à monter un excellent réseau. Nous entretenons des échanges intensifs avec les coopératives.


Comment pouvons-nous nous représenter ces échanges avec les coopératives et comment assurez-vous que le cacao bio est vraiment équitable et durable?
La traçabilité des matières premières est naturellement très importante. Nous travaillons avec des organismes de certification indépendants, ces derniers se chargeant des contrôles à notre place. Les cahiers des charges de Max Havelaar Fair Trade, USDA Organic, EU Bio, Demeter et, de Bio Suisse pour la Suisse, sont décisifs pour nous et nos clients. Les relations avec les coopératives de producteurs de cacao, nos fournisseurs principaux, nous tiennent à cœur. Un de nos collaborateurs habite au Costa Rica et visite régulièrement les coopératives d’Amérique latine. Nous nous rendons aussi depuis la Suisse régulièrement sur place chez nos partenaires, que ce soit au Costa Rica, au Panama, en Équateur, en République dominicaine ou encore en Inde. Nous invitons également des membres des coopératives chez nous en Suisse. Nous entretenons des échanges réguliers. De cette manière nos producteurs connaissent nos exigences élevées en matière de qualité du cacao et nous pouvons aussi soutenir les producteurs de manière ciblée, par exemple avec la création de pépinières. Les partenariats de longue date sont importants à nos yeux, ils permettent aux producteurs sur place d’avoir une existence sûre. Nous travaillons par exemple avec El Ceibo en Bolivie depuis le début, soit depuis 30 ans.

D’où proviennent les autres matières premières d’un chocolat Bourgeon, et où peut-on acheter du chocolat de l’entreprise Stella Bernrain?
Il y a par exemple l’huile de tournesol bio, la poudre de lait bio et le Crisp de Zwicky qui proviennent de Suisse. Nous nous procurons par exemple le sucre d’Alter Trade aux Philippines ou de Manduvira au Paraguay. Le cacao bio provient en grande partie d’Amérique latine. Un produit Bourgeon qui est disponible chez Claro Fair Trade en Suisse est la barre de chocolat «La Branche» avec du chocolat bio noir et fourrée avec une crème aux amandes. À Pâques, on trouve le lapin en chocolat «Bio-Toni» chez Manor. Il existe également notre propre ligne, disponible dans les magasins de nos fabriques ou par le biais de notre boutique en ligne sur www.swisschocolate.ch. Nous ne faisons pas de publicité, car nous produisons principalement pour des clients de labels privés dans le monde entier, ce qui signifie que le chocolat est commercialisé sous le nom de nos clients.

Vous utilisez des cacaos provenant de différentes parties du monde – pouvez-vous nous donner un aperçu et parler un peu de leur goût?
Il existe des différences au niveau du goût:

  • Équateur, Venezuela et Colombie: Le cacao de ces provenances est très intensif.
  • Costa Rica, Panama et République dominicaine: Ce cacao est plutôt doux.
  • Madagascar: C’est un cacao connu pour sa note fruitée. 
  • Ghana: Le cacao du Ghana a souvent un léger goût de cacahuètes.
Le cacao est un produit naturel, c’est pourquoi la qualité dépend toujours de la récolte mais aussi de la fermentation. Cette dernière est réalisée sur place, dans les coopératives. Nous recevons préalablement des échantillons des coopératives et nous les dégustons dans l’entreprise. Si la qualité est bonne, nous achetons le lot concerné. Pour le chocolat fini, c’est la recette qui joue un rôle important, par exemple la teneur en cacao.

Selon vous, quel pays a le cacao de meilleure qualité? 
Cela dépend des préférences personnelles de chacun. Pour ma part, j’apprécie particulièrement le cacao fruité de Madagascar. 
 
Vous promouvez par exemple du cacao de variété pure produit en biodynamie au Brésil. Comment doit-on se représenter cela? 
Il s’agit d’une plantation de cacao qui produit selon les directives de Demeter. Dans notre cas, c’est un partenaire au Brésil. C’est même la plantation d’un suisse qui a émigré au Brésil. 
 
Quelques mots sur la production: Comment fabrique-t-on exactement du chocolat? 
Différentes machines entrent en jeu dans la production du chocolat. Tous les ingrédients (cacao, beurre de cacao, sucre, poudre de lait, et selon les recettes encore d’autres ingrédients) sont malaxés dans un mélangeur d’un volume d’une tonne. La masse est ensuite finement broyée par compression. Ce n’est que dans la conche que le chocolat reçoit l’arôme souhaité. Il s’agit d’un appareil qui brasse jusqu’à 72 heures durant – à des températures variables, allant jusqu’à 75 degrés selon la recette. Les composants acides et amers se volatilisent durant ce processus, la masse de chocolat se lie et l’odeur devient intensive. La masse doit ensuite être tempérée, c’est-à-dire qu’elle est refroidie et passe d’une température d’environ 50 degrés à une température d’environ 28 degrés, puis elle est réchauffée de manière ciblée à environ 30-32 degrés. Cela oblige les cristaux à se réarranger, ce qui fait que le chocolat obtient une belle brillance et peut être facilement démoulé. Pour finir, le chocolat est moulé soit sous forme de tablettes soit sous différentes formes dans une machine à corps creux comme pour les lapins en chocolat ou d’autres formes spéciales. Le processus de fabrication du chocolat est le même pour le chocolat conventionnel que pour le chocolat bio, les machines sont nettoyées lors du changement de qualité.

Vous fabriquez aussi du chocolat conventionnel. Comment garantissez-vous la séparation des marchandises? 
Les matières premières sont entreposées et transformées séparément. Avant chaque production bio, tout est nettoyé avec soin. Pour réduire le temps de nettoyage, nous regroupons autant que possible les productions bio. Les chocolats blancs, véganes, sans lactose et halal sont principalement fabriqués chez Chocolat Stella à Giubiasco. Avec nos deux sites de production, nous sommes en bonne position.

Votre offre comprend du chocolat végane et du chocolat halal. Comment vous en est venue l’idée et où se trouve le marché principal?
De nombreuses idées viennent de nos clients. Les produits véganes sont une tendance croissante depuis quelques années, surtout aux USA et en Europe centrale. Le chocolat halal n’est que très rarement demandé. Nous sommes spécialisés dans les produits de niche et nous nous réjouissons des souhaits et idées de notre clientèle internationale. À partir d’une quantité minimale d’une tonne, ce qui correspond à 10 000 plaques, nous les réalisons avec plaisir.
 
Quelques mots sur la durabilité: pompe à chaleur, installation photovoltaïque pour l’électricité, compensation carbone avec myclimate – et plus particulièrement la durabilité sociale. Quel projet vous remplit le plus de fierté?
Je suis très heureuse que nous développions constamment le chocolat bio et de commerce équitable depuis 1991 et qu’entre-temps plus de 80 % des matières premières pour nos clients internationaux soient certifiées. Nous travaillons actuellement aussi intensivement à des solutions d’emballages durables à base de matières premières renouvelables. Nous emballons ainsi nos chocolats depuis quelques années dans des films compostables à base de bois FSC. Cet emballage connaît aussi un développement constant. 
 
Les noms de vos différentes sortes de chocolat sont captivants comme p. ex. Chai, Earl Grey, Mint Moringa. Quel est personnellement votre chocolat préféré? 
Mon chocolat préféré change de temps à autre. Actuellement, je trouve les pralinés NeuroChocolate, d’un de nos plus jeunes clients, une start-up suisse, particulièrement passionnants. Il s’agit de pralinés avec des ingrédients choisis et déclinés en trois variantes: «Nur Mut» (Courage!), «Zum Glück» (Bonheur) et «Träum süss» (Doux rêves). Les pralinés contiennent des fleurs de Bach, de l’huile essentielle de rose, de la lavande, du chili et du ylang-ylang. 

 
Entretien: Maya Frommelt avec Monica Müller; photos: màd / Chocolat Stella Bernrain

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