Georg Blunier – un pionnier dans le domaine de l’abattage à la ferme
jeudi 8 octobre 2020L’histoire des Blunier sort des sentiers battus. Georg et Claudia Blunier ont tous deux un diplôme de bachelor en arts visuels, et Georg était déjà graphiste qualifié. Et pourtant, tout a changé après un estivage. Pour réaliser leur rêve d’avoir une ferme biodynamique à eux, ils se sont reconvertis. Georg Blunier a fait un master en agronomie à la HAFL de Zollikofen, et son épouse Claudia une formation de rattrapage au Plantahof. Ensemble, ils dirigent aujourd’hui la ferme bio Dusch du Domleschg (GR). Pour ce faire, ils ont suivi leur propre voie dans l’agriculture
Monsieur Blunier, comment vous est venu l’idée de passer de l’art à l’agriculture?
Après nos études, nous souhaitions faire autre
chose et avons décidé de passer un été sur l’alpage. Même si nous avons
sous-estimé la complexité de notre projet, cela nous a tellement plu, que nous
avons absolument voulu travailler dans l’agriculture et reprendre une ferme.
Quelles mesures avez-vous prises à la ferme bio Dusch, pour promouvoir le bien-être animal?
Nous gérons notre ferme conformément aux directives de Bio Suisse, KAGfreiland et Demeter. Nous accordons une très grande importance au bien-être et au respect de nos bêtes. Nos animaux sont toute l’année en extérieur: 240 jours par an, toute la journée dans les pâturages, et en été sur l’alpage. Tous nos animaux conservent leurs cornes, et ont donc besoin de plus de place. Notre étable est prévue pour 30 vaches allaitantes. Nous avons 18 vaches allaitantes et environ 10 animaux d’engraissement. Nous avons voulu réaliser systématiquement notre vue d’un élevage respectueux et conforme aux besoins de l’espèce, de A à Z. C’est pourquoi nous abattons nos bœufs chez nous, à la ferme, dans leur environnement habituel et parmi leurs congénères.Nous ne faisons plus transporter notre bétail vivant vers l’abattoir.
Vous êtes sélectionné pour l’agroPrix 2020 pour votre
contribution à l’autorisation légale de l’abattage à la ferme. De quoi
s’agit-il exactement?
Jusqu’en 2020,
la législation manquait de précision quant à l’abattage à la ferme et au
pâturage. L’autorisation d’abattage à la ferme ou au pâturage relevait donc
jusque-là de la compétence des cantons. Le canton des Grisons a été le premier
(en 2018) à décider d’autoriser l’abattage à la ferme, et nous a donné
l’autorisation correspondante au printemps 2018.
Dans le cas de l’abattage à la ferme, la mise à mort des animaux se fait sur le site d’origine. Au lieu de transporter les bêtes vivantes vers l’abattoir, le boucher et le vétérinaire se rendent à la ferme. Nous menons les animaux dans une partie de l’étable spécialement aménagée, les nourrissons et les immobilisons. Il importe que les bêtes connaissent le site pour assurer un abattage vraiment sans stress. Le vétérinaire officiel examine les bêtes sur place. Le boucher peut alors procéder à l’étourdissement. L’animal mort est ensuite saigné et transporté dans une remorque spéciale jusqu’à l’abattoir le plus proche pour sa transformation. Les expériences faites dans le canton des Grisons, puis dans d’autres cantons, ont montré que l’abattage à la ferme, sans stress et conforme à toutes les prescriptions légales (protection des animaux, hygiène, sécurité alimentaire et sécurité du travail) est possible. Depuis juillet 2020, une nouvelle législation est entrée en vigueur, régissant pour la première fois l’abattage à la ferme et au pâturage à l’échelle nationale. Ainsi, toutes les exploitations agricoles intéressées peuvent demander une autorisation d’abattage à la ferme ou au pâturage.
Quels sont les avantages d’un abattage à la ferme?
L’argument
le plus important en faveur de l’abattage à la ferme est bien évidemment la
protection des animaux. Les bœufs sont des animaux grégaires. Le troupeau ne
représente pas seulement leur environnement social, il est également le lieu où
ils se sentent en sécurité et où ils recherchent une protection. Retirer du
troupeau un animal qui y a passé toute sa vie est synonyme de stress important
pour cet animal. Dans le cadre de l’abattage à la ferme, les animaux peuvent
rester dans leur environnement familier jusqu’à la dernière seconde. Au sein du
troupeau et entre congénères.
Parallèlement,
le fait qu’un abattage exempt de stress crée les conditions idéales pour une
meilleure qualité de viande est un effet secondaire bienvenu. Avec le
traitement dans la région, nous pouvons améliorer la valeur ajoutée locale et
renforcer la collaboration avec les entreprises artisanales locales. Nous
créons ainsi un produit de qualité optimale, au caractère régional unique, qui
assure un bien-être animal et une qualité de viande exceptionnels.
Quels obstacles avez-vous dû surmonter pour répondre aux
bases légales?
Nous
avons toujours été certains que ce que nous faisions était légal. Mais le fait
que la Confédération reconnaisse le besoin d’agir et remanie et ajuste en
conséquence les textes de loi correspondants en faveur d’un abattage à la ferme
et au pâturage, nous a montré que nous étions sur la bonne voie. Ces dix
dernières années, nous avons pu observer des interventions correspondantes non
seulement sur la scène politique, mais également dans la recherche. Le FiBL a
accompagné et soutenu tous les agriculteurs intéressés dans la réalisation de
l’abattage à la ferme. L’autorisation de l’abattage au pâturage en 2015 à
Zurich et la première autorisation d’abattage à la ferme dans les Grisons
en 2018 ont été des jalons importants de ce succès. Dans les deux cas, le
principal obstacle à la réalisation a été de démontrer aux administrations
cantonales que l’abattage sur le site d’origine peut être réalisé de manière
conforme à la loi. Pour ce faire, des infrastructures correspondantes étaient
nécessaires, qu’il a fallu acquérir ou développer, telles qu’un cornadis
autobloquant spécial pour nos animaux à cornes. Un peu de créativité et
d’esprit pionnier étaient de mise.
Comment investiriez-vous le montant de l’agroPrix 2020?
Depuis la reprise de l’exploitation en 2014, nous avons toujours misé sur une vente directe. Pas seulement pour la viande. Quoique cette décision a porté ses fruits, à de nombreux égards, nous arrivons désormais à la limite de notre infrastructure. Nous souhaitons rénover le magasin de la ferme ainsi que les locaux d’entreposage et de transformation. Nous souhaiterions utiliser le prix pour ces investissements.
Selon vous, la viande provenant de l’abattage à la ferme restera-t-elle un créneau?
Pour le moment, seules quelques exploitations disposent d’une autorisation d’abattage à la ferme ou au pâturage. Cela est notamment dû à la législation actuelle. L’intérêt des agriculteurs est nettement plus important. Le GI a recensé plus de 140 exploitations intéressées par l’abattage à la ferme et au pâturage, dont 15 ont déposé une demande. Par ailleurs, les bouchers remarquent également que cette approche représente une opportunité, pour eux comme pour les agriculteurs. Les consommateurs se montrent, eux aussi, de plus en plus intéressés. Nombre de gens accordent nettement plus d’importance à l’origine de la viande, ainsi qu’aux conditions de vie des animaux et de production. Les exigences en matière de bien-être animalier, le caractère régional et la durabilité sont des critères importants. On observe cette tendance depuis près de 20 ans. Il y aura un marché croissant pour les produits qui répondent à ces exigences. J’en suis persuadé.
Quel serait votre souhait pour l’avenir?
Avec
la modification législative, nous avons atteint un objectif important, et en
matière d’abattage proche de la ferme, la Suisse a cinq à dix ans d’avance sur
ses voisins. Cependant, les prescriptions légales prévoient actuellement
l’autorisation d’abattage à la ferme ou au pâturage uniquement pour les
exploitations situées à 15 à 20 minutes de trajet de l’abattoir. Pour
permettre à toutes les exploitations intéressées de pratiquer l’abattage à la
ferme ou au pâturage, nous avons besoin de nouvelles possibilités et quelques
changements. J’espère beaucoup que cela sera possible dans un avenir proche.
Entretien: Maya Frommelt, avec Georg Blunier. Photos: Tina Sturzenegger & Crowd Container
Ferme bio Dusch - une ferme biodynamique
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