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La famille Zollinger, les pionniers des semences: «C'est la passion qui nous anime»
dimanche 5 mai 2019La famille Zollinger s’engage depuis plus de vingt ans pour la préservation de la diversité variétale dans les jardins. Chacune de leurs 450 variétés recèle un énorme travail de sélection.
La vallée du Rhône hiberne encore malgré le printemps tout proche. Isolé au milieu de la plaine, on y trouve la ferme de la famille Zollinger. On devine, loin vers l’horizon, l’embouchure du Rhône dans le lac Léman. La maison semble inhabitée, les serres sont vides, les sols en jachère. Infatigable, le vent froid secoue les vieux volets et souffle contre les tunnels en plastique. Christine et Robert Zollinger se sont installés sur ce coin de pays il y a bientôt 30 ans pour multiplier des semences. Ils voulaient apporter leur contribution à la préservation de la diversité variétale dans les jardins suisses et inverser la tendance à l’hybridation de l’industrie agricole moderne. Leur plan a-t-il échoué?
L’apparence est trompeuse. Comme l’enveloppe desséchée d’une graine contient la vie de toute une plante – oui, l’avenir de toute une espèce végétale, les murs de pierres de la vieille ferme abritent les préparatifs d’une nouvelle saison horticole florissante: au rez-de-chaussée, des mains habiles emballent, datent et étiquettent des livraisons de graines tandis qu’un étage au-dessus on planche sur les plans des cultures et des travaux de sélection. Ce sont les trois fils de Christine et Robert Zollinger, qui ont repris il y a trois ans le sceptre des Évouettes: Tulipan, Tizian et Til Zollinger, le généticien, le sélectionneur et l’économiste. Falc, le plus jeune des Zollinger, aimerait lui aussi participer à l’entreprise familiale après ses études d’horticulture.
Multiplier des semences n’est pas un jeu d’enfants
«Nous multiplions en respectant le Cahier des charges de Bio Suisse quelque 450 variétés et espèces de plantes et nous devons – parce que les semences conservent leur faculté germinative pendant plusieurs années – en recultiver chaque année environ 250», explique Till Zollinger. La complexité du plan des cultures, qui détermine où va pousser quelle culture, est à la hauteur de cette diversité. Il y a en effet des plantes comme les cucurbitacées ou le maïs qui se croisent entre elles et dont les différentes variétés doivent être cultivées à une certaine distance les unes des autres. Il y a ensuite des plantes, comme de nombreuses salades ou légumes-feuilles, qui doivent être cultivées sous serre parce que leurs graines pourraient moisir si elles sont exposées à la pluie – mais qui doivent en même temps pousser en pleine terre afin que les sélectionneurs puissent sélectionner les plantes les plus résistantes en conditions réelles. Et il y a encore les plantes bisannuelles comme les betteraves rouges ou les carottes, qui ne fleurissent que la deuxième année. Les Zollinger les déterrent en automne et les replantent au printemps sur une autre plate-bande pour les faires grainer. Et s’y rajoutent enfin tous les critères restrictifs des rotations des cultures qui sont chaque année un casse-tête pour les jardiniers amateurs: il faut faire autant attention à la famille botanique qu’aux besoins nutritifs des plantes et aux interactions entre les différentes espèces. Bref: Ce que les fils Zollinger élaborent en hiver derrière leurs murs de pierres est presque aussi complexe que le plan génétique de l’intérieur d’une graine avec toutes ses informations héréditaires parfaitement harmonisées les unes aux autres.Tomates sucrées et concombres sans amertume
Le plan des cultures est la base pour obtenir des semences pures et capables de germer. Les frères Zollinger en veulent cependant davantage: «Nous souhaitons améliorer continuellement les caractéristiques des variétés», explique Til Zollinger. Il faut pour cela faire de la sélection d’amélioration – c.-à-d. qu’on ne réutilise que les graines des plantes qui ont les meilleures caractéristiques. «Les caractéristiques de certaines espèces comme le concombre ou la tomate peuvent être améliorées de manière étonnamment rapide», explique-t-il. Ce qui signifie aussi inversement qu’une variété peut se dégrader quand réutilise ses semences sans faire de choix. Le concombre, par exemple, a toujours tendance à redevenir amer. «Heureusement on le voit déjà si les cotylédons sont amers et on peut éliminer ces plantes très tôt», raconte-t-il. Le deuxième plus jeune des Zollinger est particulièrement fier des succès que son frère Tizian a obtenus avec la tomate Cœur-de-Bœuf. «Elles n’ont gustativement rien à voir avec les Cœur-de-Bœuf qu’on trouve dans la grande distribution. Elles sont beaucoup plus aromatiques et sucrées – comme s’il s’agissait d’une autre variété», s’enthousiasme-t-il. Et certains «défauts» des tomates comme la maturité irrégulière ou le collet noir peuvent aussi être éliminés par une sélection assez rapide.Sélectionner est cependant plus vite dit que fait. Le frères Zollinger doivent pour cela observer leurs plantes – donc 250 fois 100 à 200'000 individus – dès le départ, tout noter, déterrer er replanter certaines espèces ou les transplanter avec leur terre. «Nous éliminons les plus mauvaises plantes, soit environ 10 pourcents, et nous gardons les 5 pourcents des meilleures pour la semence de base que nous réutiliserons l’année prochaine pour la multiplication», explique Til Zollinger. Les 85 % des graines qui restent partent dans la vente.
Chou-fleur d’hiver de leur propre sélection
Comme si le marquage et les transplantations ne donnaient pas déjà assez de travail, les frères Zollinger s’essaient aussi volontiers à la sélection par croisements. Ils ont par exemple réussi à sélectionner un chou-fleur d’hiver qui présente la tête blanche et compacte d’un chou-fleur moderne tout en pouvant être cultivé en hiver. Les jeunes sélectionneurs ont pour cela ramené à la vie l’ancienne forme cultivée du chou-fleur qui avait pratiquement disparu des jardins à cause de sa tête lâche et jaunâtre. Ils ont investi pour cela huit ans de travail qui ne pourront jamais être rémunérés par la vente des semences «C’est la passion et la joie de la diversité variétale qui nous poussent», dit Til Zollinger en ouvrant le catalogue 2019, 169 pages de plantes, de fleurs et légumes qui rayonnent de toute leur splendeur. On ferme les yeux et on se représente la vie en été autour de la maison en pierre quand une multitude multicolore de plantes poussent dans les plates-bandes et les serres et que des milliers de fleurs préparent les graines pour la saison horticole 2020.Dans les années 80, quand les anciennes variétés de légumes disparaissaient de plus en plus des jardins et des champs, Christine et Robert Zollinger se sont inquiétés de cette perte galopante et ont commencé à multiplier des semences en Thurgovie. Le petit jardin semencier est devenu une imposante entreprise familiale qui est maintenant dirigée en deuxième génération par les frères Tulipan, Tizian et Til Zollinger sur leur domaine de 30 hectares aux Évouettes. Le catalogue comprend maintenant quelque 450 variétés éprouvées, et chaque année s’y rajoutent de nouvelles obtentions et des redécouvertes.
Découvrez le catalogue des semences sur www.zollinger.bio
Jusqu’où une semence peut-elle être bio?
L’agriculture biologique interdit d’utiliser des variétés génétiquement modifiées ainsi que des semences traitées avec des fongicides et des insecticides. En plus de ces exigences bio générales, le Cahier des charges de Bio Suisse exige que les paysans utilisent si possible toujours des semences qui ont été multipliées dans des fermes bio. Et les semences doivent si possible provenir de «sélection végétale biologique». Bio Suisse entend par-là de nouvelles variétés spécialement développées pour l’agriculture biologique et capables de livrer de bons rendements même dans des conditions spartiates. Ces variétés ne doivent en outre pas avoir été obtenues grâce à des interventions artificielles dans les cellules. Bio Suisse s’engage politiquement et financièrement pour que l’agriculture ait à l’avenir davantage de variétés issues de «sélection végétale biologique» à disposition.
L’agriculture biologique interdit d’utiliser des variétés génétiquement modifiées ainsi que des semences traitées avec des fongicides et des insecticides. En plus de ces exigences bio générales, le Cahier des charges de Bio Suisse exige que les paysans utilisent si possible toujours des semences qui ont été multipliées dans des fermes bio. Et les semences doivent si possible provenir de «sélection végétale biologique». Bio Suisse entend par-là de nouvelles variétés spécialement développées pour l’agriculture biologique et capables de livrer de bons rendements même dans des conditions spartiates. Ces variétés ne doivent en outre pas avoir été obtenues grâce à des interventions artificielles dans les cellules. Bio Suisse s’engage politiquement et financièrement pour que l’agriculture ait à l’avenir davantage de variétés issues de «sélection végétale biologique» à disposition.
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