Là où les noisettes poussent sur les arbres
mardi 5 janvier 2021Noisette de Suisse – ou de Turquie?
Les noisettes sont très
prisées. Et pas seulement en guise d’en-cas sain. Le secteur de la boulangerie
et surtout l’industrie de la confiserie importent près de 10’000 tonnes de
noisettes par an. Toutefois, les noisettes utilisées à cette fin proviennent
principalement de Turquie. Ainsi,
la région de la Mer noire joue un rôle prépondérant sur le marché de la
noisette – près de 80 % des noisettes vendues dans le monde provenant de
cette région. Et ce malgré le fait que l’on trouve des noisettes en Suisse, au
même titre que la noix ou la châtaigne.
Dans sa pépinière de Niederwil, dans le canton d’Argovie, l’agriculteur bio Andreas Gauch mise sur la noisette comme culture alternative écologiquement durable. Dans sa ferme du Reusshof, il gère une plantation de noisettes de 1,7 hectare. Âgés de six ans, ses 700 noisetiers ont un rendement de 1,5 tonne. Mais la route a été longue pour y parvenir. «Chez moi, les noisettes ne poussent pas sur des buissons, comme c’est habituellement le cas, mais sur des arbres. J’ai tout appris par moi-même et par un apprentissage pratique au centre de recherche Agroscope», explique Gauch. En incluant des variétés adaptées, il a réussi dans son pays. Son secret: les noisetiers aux racines profondes sont greffés de la sorte Corylus Colurna à une hauteur d’un mètre. Le cultivar se développe et est élevé comme un arbre fruitier.
Règle n° 1: observer et apprendre
S’il y en a un qui a fait des recherches intenses, c’est bien Andreas Gauch. Avant de créer sa pépinière à Niederwil en 2012, il a passé deux ans à voyager en camping-car dans les régions et les pays voisins où l’on cultive la noisette: par exemple, dans le Piémont, en France, mais aussi en Allemagne et en Autriche. Commencer par observer et apprendre, avant de mettre en œuvre, telle est sa devise.
«Mais avec mes techniques de recherche et d’espionnage, comme je les appelais, je n’étais pas le bienvenu partout». Généralement, j’arrivais à échanger avec les agriculteurs sur place, mais la recherche me fermait ses portes. Andreas Gauch y est donc allé à tâtons, faisant de nombreuses tentatives et expériences. On apprend de ses erreurs, comme il peut aujourd’hui en témoigner. En effet, il a pu observer un certain nombre d’erreurs dans ses plantations de noisettes: «Les buissons plantés de façon beaucoup trop dense ont rapidement posé problème. Cela réduit le rendement. De plus, la récolte est fastidieuse lorsque les noisettes tombent sur le sol.» Son objectif était de créer une plantation de noisettes qu’il pourrait gérer comme un verger. L’agriculteur bio suisse a donc commencé à greffer des noisettes sur des noisetiers de Byzance.
La plantation de noisettes de Niederwil
Andreas Gauch mise sur des
variétés à gros fruits, nécessitant peu de soins. Ses noisetiers n’ont pas de
pousses gênantes au niveau des racines comme le buisson. «Reste à prouver si
les noisettes qui ont poussé sur des arbres donnent un meilleur rendement»,
poursuit Gauch. Cependant, le noisetier ne produit des noisettes que là où il y
a beaucoup de lumière. Une arborescence laissant passer la lumière pourrait
porter ses fruits et faciliter la récolte.
La noisette, une denrée
délicate
En règle générale, la récolte
a lieu en septembre et en octobre, lorsque les délicieuses noisettes tombent
d’elles-mêmes au sol. Et c’est là que réside toute la difficulté: en effet,
pour la qualité et les étapes de transformation telles que la torréfaction et
le broyage, il est important que la teneur en eau des noisettes soit optimale.
Si elles restent trop longtemps au sol, il y a un risque que la moisissure et
les bactéries se développent. Ce qui a conduit Andreas Gauch à développer un
système de récolte efficace: il tend des filets dans sa plantation, évitant
ainsi le contact des noisettes avec le sol.
Le système est doublement efficace car il a construit une machine qui peut aspirer les noisettes proprement directement depuis le filet. Son esprit inventif et pionnier lui a permis de faire un grand pas en avant: il gagne du temps lors de la récolte et peut améliorer la qualité des noisettes. Après la récolte, les noisettes doivent être séchées soigneusement. Pour ce faire, Gauch les étale sur une grande surface dans une remorque au soleil.
Projet noisette en Géorgie
Les connaissances de
l’agriculteur bio en matière de culture efficace des noisettes sont demandées
au-delà des frontières de la Suisse. Andreas Gauch coopère par exemple depuis
plusieurs années avec Camille Bloch, producteur de chocolat suisse, qui fabrique
du Ragusa avec des noisettes entières. Il aide le chocolatier à mettre en place
sa propre plantation de noisetiers greffés. L’objectif du projet étant de
subvenir à ses besoins en termes de production. Plus largement, tous deux
souhaitent devenir autonomes et ne plus dépendre de la Turquie pour la
production de noisettes. Dans le cadre d’un projet à grande échelle, une
recherche internationale a été menée pour trouver un endroit avec un terrain et
un sol appropriés. Gauch intervient en tant que conseiller et met ses
connaissances à disposition. Ils ont trouvé ce qu’ils cherchaient en Géorgie.
Et ont commencé à mettre en place une plantation de noisettes selon le modèle
suisse. L’ampleur de ce projet donne également à Gauch la possibilité de
coopérer avec d’autres acteurs sur la scène internationale. Ayant pour habitude
de proposer des cours de greffe, Gauch prône également l’échange de
connaissances. Mais pour l’instant, il manque de temps car le projet en Géorgie
est très prenant. Actuellement, tous les arbres de la pépinière de Gauch sont produits pour le projet noisette en
Géorgie.
Le Reusshof, champ d’apprentissage et
d’expérimentation
Avec cet agriculteur innovant, il n’est pas
surprenant qu’une partie de sa ferme soit entourée d’une clôture de barbelés et
surveillée par des caméras et des détecteurs de mouvement. Mais cette fois, il
ne s’agit pas de noisettes: Gauch met un champ à disposition de l’entreprise
Pure Gene, qui a officiellement cultivé pour la première fois en 2020 du
chanvre contenant du THC à des fins de recherche en Suisse. Il nous tarde d’en
savoir plus sur ce qui va se passer à la ferme du Reusshof dans les années à venir.
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