Une équipe de deux professionnels et deux apprentis cultivent depuis 14 ans les plantes vivaces à Cormérod, dans une ferme fribourgeoise : « Nous sommes des producteurs bio depuis six ans », dit Xavier Allemann. « Nos plantes sont cultivées dans une terre sans tourbe et sans l'aide de produits de synthèse, nous vous proposons de bonnes racines qui reprendront bien dans votre jardin. Pour vous, nous semons, nous bouturons, nous divisons et nous plantons. » Vous pouvez en savoir plus sur Xavier Allemann et son oasis de biodiversité.
Xavier Allemann, pourquoi cultiver des plantes vivaces en mode bio ?
Quelque 800 variétés de plantes essentiellement vivaces, dont des aromatiques et plus de 150 plantes indigènes s’épanouissent à Cormérod (FR) sur 2000 mètres carrés. Depuis 15 ans, lautrejardin s’engage pour la biodiversité…Xavier Allemann, être attentifs à ce que mangeons paraît une évidence; mais pourquoi les consommateurs devraient-ils aussi être sensibles à la qualité bio des plantes ornementales ?
Je crois que c’est d’abord un choix philosophique, celui d’être dans la culture du vivant. La plupart de nos plantes ne se consomment pas mais il est essentiel que celui qui les cultive se pose la question. L’environnement dans lequel nous vivons et travaillons est un bien précieux à préserver. Notre pépinière bio propose quelque 800 variétés de plantes essentiellement vivaces, mais aussi des aromatiques et plus de 150 espèces de plantes indigènes. Cela va du géranium à la consoude, des iris aux pivoines. Pour les aromatiques, la tendance est très forte à les proposer en bio mais pour les plantes indigènes telles la marguerite ou la sauge des prés, on constate aussi une demande croissante.Quelles sont les directives de Bio Suisse pour ces cultures ?
Il s’agit de tendre vers le plus naturel, ce que nous faisons depuis toujours : n’utiliser aucun traitement de synthèse, aucun engrais de synthèse. Nous nous efforçons de faire nos propres multiplications chaque fois que c’est possible.Nous avons créé lautrejardin voici quinze ans sans aucun traitement. Et puis nous avons ajouté d’autres critères, plus exigeants parfois que le cahier des charges de Bio Suisse, tel le renoncement à la tourbe. Nous sommes labellisés Bio Suisse depuis six ans.
Vos plantes sont-elles de meilleure qualité que celles issues de cultures conventionnelles ?
Nous vendons de bonnes racines pour que les plantes reprennent bien, plutôt que de jolies plantes. En bio, les plantes mettent plus de temps à pousser, mais elles sont souvent plus robustes et de bonne qualité.De quelles méthodes dispose-t-on, sans traitements de synthèse, pour protéger les plantes des nuisibles et des maladies ?
Notre grande diversité de cultures permet de réduire les risques: s’il y a un problème, les cultures ne sont jamais atteintes dans leur ensemble, les dimensions modestes des parcelles, la variété des espèces font écran à la propagation des maladies. Sur 2000 mètres carrés, nous avons quelque 80 000 plantes de plus de 800 espèces. Par ailleurs, à 600 mètres d’altitude, nous sommes relativement épargnés par les maladies fongiques.Nous avons donc peu de raisons d’intervenir. On peut toutefois traiter les pucerons avec du savon noir. Et combattre l’otiorhynque, ce scarabée qui détruit les feuilles, avec des nématodes, ces petits vers qui s’attaquent à ses larves.
Un tuyau pour les jardiniers amateurs ?
Il faut viser la plus grande diversité possible, cela attire une multitude d’insectes et d’espèces qui vont se nourrir d’autres espèces. La monoculture entraîne le déséquilibre.Trouve-t-on facilement des plantes vivaces et aromatiques bios en Suisse romande ? Est-ce un marché qui se développe ?
Le jardin des senteurs a été le premier à passer au bio. De notre côté, nous sommes la première pépinière de plantes vivaces à avoir franchi le pas en Suisse romande. Nous travaillons en partenariat avec 2 autres pépinières de vivaces, dont l’une est en bio, l’autre en reconversion.On constate un vrai intérêt pour cette activité, comme en témoigne le nombre d’affiliés à BioTerra, l’association regroupant amateurs, paysagistes en jardin naturel et professionnels. Ce qui est relativement nouveau, c’est que les collectivités sont de plus en plus nombreuses à se convertir au bio, tels le Jardin botanique de Genève ou la commune de Grand Lancy. C’est un marché en pleine croissance, même s’il y a toujours des paysagistes pour qui ce n’est pas une priorité…
Que représente la gestion d’une pépinière Bio Suisse ?
Nous sommes une petite structure de 4, dont 2 apprentis, qui fêtera bientôt ses quinze ans. Contrairement à l’agriculture, nous ne touchons aucune subvention. On plante essentiellement entre mars et fin juin et d’août à novembre. Les horaires intensifs de l’été sont en partie compensés l’hiver, où nous observons une pause d’un mois.Comment contribuez vousà la biodiversité ? Et que peut-on faire chez soi, dans son jardin?
Contribuer à la biodiversité est essentiel pour nous : on observe clairement plus de vie et de faune dans nos jardins, grâce à une multitude de plantes qui attirent des insectes, des oiseaux et autres animaux. Nous participons ainsi à Mission B (comme Biodiversité), la campagne nationale lancée ces jours pour promouvoir la biodiversité. Dans ce cadre, nous sommes en train dd’aménager un talus de 350 mètres carrés en zone sèche avec des plantes indigènes pour offrir un milieu favorable à de nombreux animaux. Il faut savoir que 90% des milieux secs et des milieux très humides ont disparu en Europe. On peut contribuer à relancer cette biodiversité à notre échelle. Sur ce talus sec, nous installons deux châteaux pour les lézards, une carrière pour les abeilles. Récemment, nous avons eu un crapaud sonneur dans notre étang. Tous ces animaux amènent des bruits, des chants, une présence. Imaginez un monde sans cela… On songe à « Printemps silencieux », best seller de la biologiste Rachel Carson dans les années 60 qui a contribué à une prise de conscience environnementale… On est face à un choix de société, quel monde veut-on ?Quelles sont vos plantes préférées ?
J’aime beaucoup le Sceau de Salomon, belle présence avec ses clochettes blanches, qui s’est raréfié le long des haies. Et les jonquilles, qui ont rythmé mon enfance dans les pâturages du Jura, menacées par la pression de l’élevage, des labours…Propos recueillis par Véronique Zbinden
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