Glebuk Lukyanenko, agriculteur bio en Ukraine: «Faire avancer le bio ensemble»


Depuis début 2019 tous les aliments fourragers bourgeon importés en Suisse doivent avoir été produits en Europe (Europe et pays méditerranéens). Cette mesure permet à Bio Suisse de satisfaire aux attentes des consommatrices et consommateurs bio suisses car ils remettent de plus en plus en cause les longues distances de transport pour les aliments fourragers. L'Ukraine est un pays en croissance importante. Une des entreprises modèles est Agroecology, qui est considérée comme pionnière de l’agriculture biologique en Ukraine depuis sa fondation il y a 40 ans. Le chef d’exploitation Glebuk Lukyanenko, qui gère en troisième génération ce domaine de 7'500 hectares, nous parle des défis particuliers et de l’avenir de l’agriculture biologique en Ukraine.


Quand avez-vous reconverti votre domaine au bio?

Nous sommes passés en bio il y a une trentaine d’années, donc encore du temps du communisme soviétique. Mon grand-père voulait se passer des produits phytosanitaires chimiques et de synthèse parce que les employés qui travaillaient avec les pesticides tombaient malades.



Qu’est-ce qui a été le plus difficile?

Mon grand-père était convaincu de prendre une bonne décision. C’est une forte personnalité et il a réussi à mener à bien son projet. Le mécanisme était alors simple: Il fallait remplir les exigences de rendement fixées par l’État – peu importait comment. Vu que mon grand-père y est toujours parvenu même après la reconversion au bio, l’État l’a laissé faire.

Votre domaine est aussi certifié Bourgeon, quelles étaient les raisons de cette décision?

Cela ne fait que quatre ans que nous produisons selon le Cahier des charges de Bio Suisse. J’avais été contacté par un importateur suisse. Après avoir étudié les directives BIOSUISSE ORGANIC, nous avons décidé de franchir le pas.

Quels sont les défis particuliers que pose en Ukraine la production selon le Cahier des charges de Bio Suisse?

Les défis particuliers qui se posent à ces généralement très grands domaines sont la rotation culturale et les cycles des éléments nutritifs. En font p. ex. partie chez nous les sous-semis d’esparcette comme engrais vert dans les céréales d’été. Nous avons quelque 7'000 vaches et nous produisons aussi du lait, ce qui signifie que nous avons du fumier et du compost à disposition, et ces bons engrais nous permettent d’augmenter nos rendements.

Quelle proportion de l’agriculture Ukrainienne est en bio?

L’Ukraine dispose plus de 42 millions d’hectares de terres noires extrêmement fertiles – cela représente plus de dix fois la surface totale de la Suisse. Les quelque 300 paysans bio actuels cultivent environ 1 % de la surface totale.

Quelle est la taille de votre domaine et quelles cultures pratiquez-vous?

Notre ferme compte 7'500 hectares. Nous n’en avons que très peu en propriété puisqu’en Ukraine personne ne peut posséder plus de deux hectares. La très grande majorité de nos surfaces sont donc louées. Nous cultivons des céréales comme le blé panifiable ou fourrager, l’orge, l’avoine et le seigle, mais aussi du tournesol, des lentilles, des pois chiches et du lin.


Combien d’employés travaillent sur le domaine?

Il y en a 400. Nous nous considérons comme un employeur à responsabilité sociale. En plus de verser des salaires équitables, nous veillons aussi à ce que nos employés se nourrissent sainement et participent à la vie sociale. Nous nous engageons aussi dans la commune. Nous avons par exemple fait construire deux églises, nous soutenons des écoles et des rassemblements pour la population. Cela favorise la satisfaction et engage les gens à rester au village. Nous avons aussi créé un centre de formation pour échanger nos expériences et nos connaissances afin de faire avancer ensemble l’agriculture biologique en Ukraine. Il y a aussi des classes d’école où les enfants reçoivent des informations sur l’agriculture biologique.

Comment et où vous informez-vous sur les développements de l’agriculture biologique?

Nous lisons de la littérature spécialisée venant d’Europe et des USA. Nous avons aussi des échanges au sein du mouvement bio ici en Ukraine mais aussi à l’étranger. Nous allons par exemple voir les Journées des cultures bio en Allemagne. Il s’y est noué des amitiés qui sont très précieuses. Ce n’est que par les échanges de ce genre à l’intérieur du secteur bio que nous pouvons apprendre et faire avancer l’agriculture biologique dans sa globalité.

Comment voyez-vous le développement de l’agriculture biologique en Ukraine?

Cela dépendra fortement de si et quand la politique s’attaquera à la réforme agraire attendue depuis très longtemps. L’agriculture ukrainienne ne pourra exploiter son énorme potentiel que si le moratoire sur la vente des terres est abrogé. C’est-à-dire que l’agriculture, et en particulier l’agriculture biologique, ne pourra se développer dans mon pays que si nous, les paysans, nous pouvons acheter et pas seulement louer des terres agricoles.

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